Budget 2026 : les raisons pour lesquelles son adoption au Parlement semble incertaine
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Budget 2026 : les raisons pour lesquelles son adoption au Parlement semble incertaine


À l’approche de la date butoir constitutionnelle pour l’adoption du budget en première lecture, l’incertitude grandit au sein du Parlement. Plusieurs élus évoquent désormais des alternatives inédites, telles que le recours à des ordonnances, une loi spéciale ou même l’activation de l’article 49.3. La perspective d’un vote conforme dans les délais semble s’éloigner de jour en jour.

Depuis plus d’une semaine, les débats à l’Assemblée nationale se prolongent sans parvenir à dégager de consensus. Le calendrier s’en trouve bouleversé : alors que la première lecture de la partie recettes du projet de loi de finances était prévue pour le 4 novembre, des centaines d’amendements restent à examiner. Les députés doivent de surcroît suspendre l’examen du budget pour se pencher sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, dont le vote est attendu pour le 12 novembre, sous réserve de nouveaux retards.

La Constitution impose une échéance stricte : le budget doit être adopté en première lecture avant le 23 novembre à minuit, et le débat global doit s’achever avant le 23 décembre. Face à la lenteur des discussions, le risque d’un dépassement des délais devient tangible. Philippe Juvin, rapporteur général du budget, a ainsi jugé « hautement probable » que l’Assemblée nationale ne puisse pas achever l’examen du texte dans les temps.

Blocages politiques et divergences sur le projet de loi de finances

Au-delà des questions de calendrier, le processus budgétaire est entravé par des désaccords profonds entre les groupes parlementaires. Depuis la dissolution de l’été 2024, l’Assemblée nationale est fragmentée, rendant les compromis difficiles. Le Premier ministre a reconnu devant les députés : « Le changement culturel n’intervient pas aussi vite dans nos esprits que ce que j’avais imaginé ». Il a également admis que le choix de renoncer au 49.3 « fonctionne un peu, mais pas complètement ».

Les Républicains jugent le texte « pas votable en l’état », tandis que le Rassemblement national réclame toujours une dissolution et fustige « un budget de bric et de broc, sans aucune cohérence, qui ne s’attaque pas aux dépenses toxiques de l’État », selon Sébastien Chenu. La France insoumise maintient son opposition, critiquant les socialistes accusés d’avoir « changé d’alliance » par Jean-Luc Mélenchon. Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, menace le gouvernement d’une motion de censure sans avancées sur la justice fiscale. Même au sein de la majorité présidentielle, l’agacement monte face à certaines mesures issues de la gauche ou du RN.

Dans ce contexte, Sébastien Lecornu a plaidé dans Le Parisien pour un « changement de méthode » et une « stratégie des petits pas ». Les ministres prévoient de réunir les responsables budgétaires des groupes parlementaires afin de progresser sur « les grands principes de l’atterrissage », en vue d’une seconde lecture qui, selon le chef du gouvernement, sera « le moment de vérité ».

Scénarios alternatifs pour l’adoption du budget 2026

Face à l’éventualité d’un blocage, plusieurs élus envisagent désormais d’autres issues. Le recours aux ordonnances est ouvertement évoqué. Hervé Marseille, chef des sénateurs centristes, a déclaré sur Public Sénat : « On sait très bien qu’on va nous faire le coup des ordonnances ». Marine Le Pen partage ce point de vue, estimant que « On part tout droit vers les ordonnances ». Si le Parlement ne statue pas sous 70 jours, le gouvernement peut effectivement appliquer son projet par ordonnance, une procédure encore jamais utilisée sous la Ve République.

Autre hypothèse : le dépôt d’une loi spéciale avant le 19 décembre, permettant à l’État de continuer à percevoir les impôts existants, les dépenses étant gelées par décret en attendant un budget voté début 2026. Ce scénario, déjà mis en œuvre fin 2024, aurait un coût estimé à 11 milliards d’euros selon Bercy. Il séduit toutefois certains parlementaires du centre, qui y voient un moyen d’éviter de cautionner des mesures contraires à leurs convictions.

Enfin, le retour de l’article 49.3 reste une option, bien que le Premier ministre ait promis de ne pas y recourir. Marc Fesneau, président du groupe MoDem, y voit une solution de compromis : « Ce serait un 49.3 de compromis, non pas pour forcer le Parlement, mais pour acter ce sur quoi il y a un accord », a-t-il expliqué dans Libération.

Incertain avenir du débat budgétaire et perspectives institutionnelles

À ce stade, l’exécutif temporise sur le choix d’une issue. Laurent Panifous, ministre des Relations avec le Parlement, a déclaré sur Public Sénat : « C’est beaucoup trop tôt pour évoquer ces hypothèses. Commencer à parler de l’après, ça sous-entend qu’on a déjà une stratégie pour éviter le Parlement. Ce n’est pas le cas ». L’incertitude demeure sur la capacité des institutions à surmonter l’impasse actuelle.

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