
Le prénom Ada restera gravé dans la mémoire de l’équipe de la maternité des Lilas, située en Seine-Saint-Denis. Ce nom est celui du dernier enfant venu au monde dans cet établissement, cinq jours avant sa fermeture définitive, survenue le 31 octobre. Cette décision, prise par l’Agence régionale de santé d’Île-de-France en juillet, marque un tournant majeur pour la structure.
Angélique Kuipers, sage-femme, explique : « Aucun accouchement n’était prévu la dernière semaine pour ne pas avoir à transférer de patiente ». Elle s’est assurée qu’Ada puisse être allaitée par sa mère, Hope, qui, installée sur son lit avec son bébé contre elle, confie ne pas souhaiter porter ce symbole. « Comment peut-on fermer ce lieu qui nous accompagne avec tant de bienveillance et soutient nos choix de grossesse ? », s’interroge-t-elle.
Au sein de la maternité, l’atmosphère est désormais empreinte de silence. Les couloirs, autrefois animés, sont désertés. Seules trois patientes, dont Hope, restent hospitalisées, alors que l’établissement en accueillait habituellement dix-huit. Les membres du personnel, sages-femmes et auxiliaires de puériculture, partagent leurs derniers instants dans ce lieu chargé d’histoire, évoquant les souvenirs marquants de leur parcours commun.
Fermeture de la maternité des Lilas et impact sur la prise en charge des femmes
Angélique Kuipers évoque le sentiment d’assister à une veillée funèbre. Elle confie : « On ne veut pas que ça s’arrête. Mais vu le peu d’actes médicaux à assurer ces derniers jours, on veut aussi en finir au plus vite ». Elle se rappelle avoir été frappée, lors de sa première garde en 2020, par le respect accordé à une patiente refusant le déclenchement de son accouchement. « C’est la fin d’un eldorado où le choix des femmes était au cœur de la prise en charge, que ce soit pour une IVG, une péridurale ou une césarienne. »
La fermeture de la maternité des Lilas met un terme à une longue tradition d’écoute et de respect des choix féminins. Ce modèle, centré sur l’autonomie des patientes, était reconnu pour sa capacité à proposer des parcours personnalisés, notamment en matière d’interruption volontaire de grossesse, d’analgésie ou de césarienne.
Fondée en 1964 par Colette de Charnière, une comtesse engagée, la maternité des Lilas s’est rapidement imposée comme un lieu emblématique du militantisme. Elle a pratiqué des avortements avant leur légalisation et s’est spécialisée dans l’accouchement physiologique, également appelé « naturel ».
Histoire militante et innovations en obstétrique physiologique
Cette approche, introduite en France par le docteur Fernand Lamaze après un séjour en URSS, visait à limiter les interventions médicales et à respecter le rythme propre à chaque femme. La préparation à la naissance y était pluridisciplinaire, associant psychologues et ostéopathes, afin d’aider les patientes à mieux gérer la douleur.
La maternité des Lilas a ainsi incarné, pendant des décennies, une vision progressiste de l’accompagnement périnatal. Son histoire témoigne de l’évolution des pratiques obstétricales et de l’importance accordée à la parole des femmes dans le processus de naissance.



