Ce mercredi marque un moment de recueillement à Valence, où des funérailles d’État sont organisées en hommage aux victimes des inondations du 29 octobre 2024. La présence du roi Felipe VI et du Premier ministre Pedro Sanchez souligne la gravité de la catastrophe, survenue il y a un an. Ce jour-là, 237 personnes ont perdu la vie en Espagne, dont 229 dans la seule région de Valence. Deux personnes restent portées disparues. Les dégâts matériels, d’une ampleur considérable, ont ouvert une longue période de reconstruction, encore en cours.
Le paysage post-inondation évoquait un chaos total : boue omniprésente, véhicules enchevêtrés, rues méconnaissables. Pourtant, il n’avait pas plu à Valence ce 29 octobre. Rapidement, une mobilisation citoyenne s’est organisée. Sur le parvis de l’église de la Torre, dès novembre, les sinistrés trouvaient l’essentiel : nourriture, eau, médicaments, mais aussi seaux, balais et gants pour nettoyer les habitations dévastées. Sandra Giner, venue aider son père, se souvient de cette solidarité spontanée.
Un an plus tard, le contraste est saisissant. Le même parvis a retrouvé son calme. « C’est plus propre. C’est différent. Ce n’est pas bien, mais c’est mieux », observe Sandra Giner. Malgré les pluies récentes qui ont ramené de la boue, la reconstruction avance. La porte en bois de la maison familiale, autrefois arrachée, a été restaurée, mais l’affaissement du sol a ralenti les travaux. La normalité revient, mais les stigmates persistent.
Résilience et reconstruction dans la région de Valence
Les traces de la catastrophe restent vives, tant dans les paysages que dans les mémoires. Les habitants vivent avec la perte de souvenirs, d’objets, de photos. Sandra Giner confie : « J’ai beaucoup de mal à me concentrer ». Pourtant, elle retient aussi la force du collectif : « Il y a la satisfaction de voir que tu renais. Cet événement est triste, mais il est aussi vrai que nous avons trouvé des choses très belles. »
Roberto Cuartero García, opticien, se rappelle la période de nettoyage avec gratitude : « Cette épreuve nous a rapproché un peu plus des gens qui nous entourent ». Sur la vitrine de son ancienne boutique, le mot « Gracias » inscrit dans la boue demeure visible, hommage aux volontaires. Mais la douleur du deuil reste : le souvenir de ceux « qui sont partis et les circonstances dans lesquelles ils sont morts ».
À Paiporta, la commune la plus touchée, plus de 80% des commerçants ont pu rouvrir, selon le maire. La ville, endeuillée par la perte de 56 habitants, porte encore les marques de la catastrophe : maisons vides, terrains effondrés, rues autrefois submergées de débris. La reconstruction s’effectue dans un climat de résilience, mais aussi de contraste entre passé et présent.
Enjeux environnementaux et qualité de l’eau après les inondations
La crue a laissé des séquelles écologiques majeures. À l’Albufera, parc naturel emblématique, la boue et les déchets charriés par l’eau ont profondément modifié l’écosystème. Vicente Navarro, batelier, témoigne : « Beaucoup de boue et de déchets sont arrivés. Il faut prendre en compte que cette eau était passée par toutes les zones industrielles ». Malgré les efforts de nettoyage, « les déchets qui sont au fond sont difficiles à retirer parce qu’on ne les voit pas ».
L’activité touristique a été suspendue pendant deux mois. « C’était possible mais les consignes, et c’était justifié, étaient de ne pas travailler. Les équipes de secours menaient des recherches et je crois qu’ils ont retrouvés une victime par ici, alors il n’était pas question de naviguer et de profiter de l’écosystème », explique Vicente Navarro. Il n’a pas constaté de changements majeurs dans la biodiversité : « Les animaux continuent à venir, pas en grande quantité, mais il y a de la variété ».
La qualité de l’eau fait l’objet d’une surveillance accrue. Gloria Sánchez, chercheuse à l’Institut d’agrochimie et des technologies alimentaires, analyse les conséquences de la pollution : « Des produits toxiques ont donc été déversés ». L’inondation a aussi impacté les stations d’épuration et le système d’égouts, provoquant des rejets d’eaux usées dans l’Albufera. « Au début, il y avait beaucoup de pollution de toutes sortes », précise-t-elle. Si la contamination de l’eau a diminué, « les sédiments où se dépose toute la matière organique sont contaminés ».
Urbanisation, adaptation et projets de prévention des risques
La région, densément urbanisée, porte le nom d’« Horta sud » mais les espaces agricoles restants n’ont pas suffi à freiner la crue. Certains bâtiments très endommagés ne seront pas reconstruits, mais la majorité des constructions seront restaurées ou remplacées. À Paiporta, de nouveaux édifices voient déjà le jour. La question de l’adaptation aux risques climatiques s’impose désormais dans chaque projet.
Rosa Pardo, urbaniste à Massanassa, constate : « Lorsque les gens déclarent les travaux de réparation de leur habitation, on voit souvent qu’ils n’ont pas assez d’argent pour l’améliorer ». Certains adaptent néanmoins leur logement : planchers surélevés, chambres déplacées à l’étage, rez-de-chaussée ouverts pour laisser circuler l’eau. Les bâtiments publics suivent la même logique, en privilégiant des espaces diaphanes et des implantations perpendiculaires au flux de l’eau.
L’imperméabilisation des sols et l’urbanisation croissante aggravent le risque d’inondation. Le débat sur l’usage des terrains vacants reste ouvert : « Il reste des terrains vacants, tant résidentiels qu’industriels, qui pourraient être bâtis parce qu’ils sont classés comme terrains constructibles. Donc il y a un débat pour savoir s’il faut construire ou pas. Je pense que l’emporte l’idée qu’on ne devrait pas construire, et utiliser ces sols pour faire des parcs inondables », estime Rosa Pardo.
Initiatives institutionnelles et mobilisation citoyenne
À l’échelle régionale, la Communauté autonome de Valence a présenté un projet de parc inondable, visant à végétaliser les abords du Barranco del Poyo et à favoriser les mobilités douces. L’objectif est de limiter les dégâts lors de futures crues, notamment en réduisant le nombre de véhicules emportés par les eaux. Des espaces agricoles pourraient être transformés en zones de rétention, comme le propose Eduardo Rojas de l’université polytechnique de Valence : « L’idée, c’est qu’en creusant à certains endroits, en générant des retenues dans d’autres, nous puissions retenir ici le pic de crue jusqu’à ce que l’eau baisse ».
Le collectif « Tots a una veu » soutient ces initiatives et insiste sur l’importance d’un projet de déviation du Barranco del Poyo vers le nouveau lit du Turia, plus apte à absorber de forts débits. « Le projet ne verra pas le jour avant dix ans », tempère Fernando Catalan, membre du collectif.
La culture du risque fait désormais partie des priorités. Toni Lara, du même collectif, souligne : « Il semble que les administrations vont mettre en place des formations dans les écoles, dans les communes, tant pour les élèves que pour la population en général. Des formations sur ce qu’on doit faire en fonction de l’alerte émise, et cela inclut des exercices ».
Gestion de crise et attentes envers les autorités
Des réunions d’information sont organisées à Paiporta pour sensibiliser la population aux protocoles d’urgence. La municipalité affirme avoir renforcé sa capacité de réponse. Mais, comme le rappelle le maire Vicent Ciscar : « Nous avons besoin que celui qui a la responsabilité de donner l’alerte, de déclarer la situation d’urgence, nous prévienne à temps ».
La gestion de la crise par la Communauté autonome reste contestée. De nombreux habitants reprochent à l’administration d’avoir émis l’alerte trop tard, à 20h11, alors que de nombreuses victimes étaient déjà décédées. Le 25 octobre, plus de 50 000 personnes se sont rassemblées pour rendre hommage aux victimes et réclamer la démission du président régional Carlos Mazon.



