
Le paysage de l’armement en France pourrait connaître une transformation majeure avec le lancement d’un ambitieux projet de missile balistique terrestre. D’après une information repérée dans une annexe volumineuse du projet de loi de finances 2026, le ministère des Armées aurait décidé d’investir un milliard d’euros pour combler un manque dans l’arsenal national.
Dès 2026, l’État prévoit de mobiliser 15,6 millions d’euros afin de lancer une première étude destinée à évaluer les risques techniques et industriels liés à cette nouvelle capacité. Les montants alloués devraient croître rapidement, atteignant 20 millions d’euros l’année suivante, puis 44 millions en 2028, avant de dépasser les 820 millions après cette date.
Ce projet, baptisé MBT, a été confié à ArianeGroup, déjà connu pour ses réalisations dans le secteur des missiles balistiques. Un rapport de la direction générale de l’Armement, publié en décembre 2024, évoque la nécessité de développer « une solution balistique conventionnelle destinée à fournir rapidement une capacité opérationnelle nationale de frappe hypersonique ».
L’initiative n’est pas nouvelle dans les hautes sphères de la défense. Un rapport parlementaire signé par Jean-Louis Thiériot et Matthieu Bloch rappelle que « la réalisation de l’incrément relatif à la frappe opérative est actuellement prévue à l’horizon 2030 », soulignant l’importance d’une stratégie sur le long terme.
Le MBT se distingue par sa nature de missile balistique terrestre : il serait lancé depuis une plateforme au sol, suivrait une trajectoire à très haute altitude, puis plongerait sur sa cible. Les députés Thiériot et Bloch précisent : « Si la trajectoire parabolique suivie par un missile balistique le rend plus détectable qu’un missile de croisière, sa vitesse hypersonique le rend plus difficilement interceptable ».
La vitesse du futur missile français pourrait atteindre entre 20 000 et 25 000 km/h, un palier bien supérieur aux performances des engins actuels comme le SCALP ou le MdCN, qui affichent une portée limitée à 400 km. L’état-major exige une capacité de frappe de plus de 2 000 km, permettant de dépasser nettement les standards européens existants.
Ce nouvel armement offrirait ainsi à la France la possibilité de frapper à longue distance sans recourir à l’option nucléaire. Le chef d’état-major de l’armée de terre, le général Pierre Schill, insistait en novembre 2024 : « C’est clairement une capacité qui est nécessaire. Dès lors qu’on a les ressources, avoir une redondance en ayant, en complément des capacités de frappes aériennes, des capacités de frappe dans la profondeur à partir du sol (missiles balistiques, de croisière, munitions téléopérées), c’est important, et c’est probablement un effort à faire. »
Ce développement répond aussi à la montée en puissance d’autres puissances militaires. La Russie a utilisé son missile « Orechnik » en Ukraine, la Chine expose régulièrement son « Dongfeng » et les États-Unis travaillent à l’amélioration de leur « Dark Eagle ». La France, elle, entend se positionner grâce à l’expertise d’ArianeGroup, déjà responsable du missile M51, qui équipe les sous-marins nucléaires mais n’est pas destiné à un usage conventionnel direct.
La question de la mise en service du MBT demeure ouverte, mais son développement marque la volonté de la France de ne pas rester à la traîne dans la course internationale à l’armement balistique et hypersonique.



