Trump et la diplomatie de la flatterie : une nouvelle ère d’allégeance personnelle
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Trump et la diplomatie de la flatterie : une nouvelle ère d’allégeance personnelle


Au lendemain d’un conflit éclair de douze jours ayant opposé Israël à l’Iran, avec le soutien militaire direct des États-Unis, une séquence diplomatique et symbolique inattendue s’est imposée à la scène internationale : Israël a manifesté une reconnaissance ostentatoire envers Donald Trump, allant jusqu’à afficher son portrait géant sur les bâtiments publics de Tel-Aviv et Jérusalem, et illuminer plusieurs monuments aux couleurs américaines.

Cette démonstration d’allégeance personnelle, rare dans les usages diplomatiques, soulève des questions profondes sur la nature des relations entre États à l’ère du trumpisme. Car il ne s’agit pas ici simplement de remercier un allié. Il s’agit de satisfaire un homme.

Déjà en 2020, le déplacement de l’ambassade états-unienne à Jérusalem sous l’administration Trump avait entraîné la pose d’une plaque honorifique portant son nom. Mais la ferveur actuelle dépasse toute considération protocolaire : il s’agit d’un culte de la personnalité dicté, ou du moins attendu, par le président des États-Unis.

Alors que les troupes américaines, sur ordre direct de Trump, ont frappé des cibles stratégiques iraniennes en soutien à Israël, Benjamin Netanyahou s’est empressé de saluer le président américain avec une emphase inhabituelle, multipliant les signes publics de gratitude. Sur les réseaux sociaux, Trump s’est empressé de partager ces marques de loyauté, qualifiant Netanyahou de “véritable patriote” et de “leader courageux”, tout en dénonçant “l’injustice” de l’enquête judiciaire en cours contre ce dernier en Israël.

Un précédent ukrainien révélateur

La comparaison avec la guerre en Ukraine est saisissante. Volodymyr Zelensky, lui, n’a jamais cédé à de telles démonstrations de reconnaissance personnalisée, préférant exprimer une gratitude institutionnelle vis-à-vis des États-Unis et de l’OTAN. Ce manque de “personnalisation” a valu à Zelensky des critiques cinglantes de la part de Trump dès son retour sur la scène politique, l’accusant publiquement d’”ingratitude” à l’égard de l’aide militaire massive accordée par les États-Unis à son pays.

Cette attitude traduit une constante chez Donald Trump : son rapport au pouvoir est marqué par un profond égocentrisme. L’aide américaine, à ses yeux, n’est pas celle d’un État mais la sienne propre, un don personnel qui appelle une reconnaissance non pas diplomatique mais déférente. Il ne s’agit plus de géopolitique, mais d’une dynamique de loyauté quasi féodale.

Le prix à payer pour l’amitié de Trump

Cette dynamique place les alliés des États-Unis dans une position délicate : pour bénéficier du soutien de Trump, il semble désormais impératif d’en passer par des démonstrations d’admiration publique et de fidélité. Et ceux qui s’y refusent — ou qui se contentent des usages traditionnels de la diplomatie — s’exposent à son ressentiment.

Netanyahou, en fin stratège, a compris le mode opératoire. Il joue le jeu, flatte l’égo, et bénéficie en retour d’un soutien militaire, politique, et même juridique, Trump allant jusqu’à appeler à faire annuler les procédures judiciaires engagées contre le Premier ministre israélien.

Cette instrumentalisation du pouvoir diplomatique à des fins personnelles interroge : s’agit-il encore d’une relation bilatérale entre nations, ou d’un échange conditionné par l’ego d’un homme ? La posture de Trump, exigeant qu’on lui “lèche les bottes” pour bénéficier de son appui, menace de fragiliser l’équilibre traditionnel des alliances et de brouiller la distinction entre politique étrangère et culte du chef.

Vers une diplomatie conditionnelle ?

Ce précédent israélien pourrait faire école. D’autres dirigeants, confrontés à des crises, pourraient être tentés d’adopter la même stratégie de flatterie pour s’attirer les faveurs de Washington version Trump. Une dérive qui affaiblirait l’ordre international fondé sur des principes, au profit d’un système de loyautés personnalisées et instables.

La géopolitique selon Trump n’est pas seulement transactionnelle, elle est narcissique. Et dans ce nouveau monde, il ne suffit plus d’être un allié. Il faut être un vassal, et le clamer haut et fort.

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